Le mot de la semaine

« Regardez-y de près, et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens ; qu'il n'y a point, et qu'il ne peut y avoir d'êtres libres ; nous ne sommes que ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation, à l'éducation et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement [...]. Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. »

Diderot
, Lettre à Landois, 29 juin 1756
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" Appel à tous les tatoués et tatoueurs de France ! "


Faites un acte simple pour protester contre un rapport et un décret aberrants !


Un premier décret réglementant les pratiques de tatouage et de piercing a été publié le 20 février dernier, ignorant les efforts des professionnels – tatoueurs, perceurs, et professionnels de la santé – sur le terrain et leurs revendications en matière de réglementation. Ce premier texte réglementaire a été voté suite à un rapport de l’Académie de médecine qui, au-delà des considérations strictement médicales auxquelles il est censé se vouer, présente le tatouage et le piercing comme traduisant plusieurs « états : perception négative des conditions de vie, mauvaise intégration sociale, souci d’amélioration de l’image de soi, précocité des rapports sexuels avec grand nombre de partenaires, homosexualité, usage de drogues et consommation d’alcool, activités illicites et appartenance à un « gang », mauvaises habitudes alimentaires. »


Estimant ces propos à la fois diffamatoires et homophobes, le Syndicat National des Artistes Tatoueurs a saisi la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité) et porté plainte contre l’Académie de Médecine. Chaque personne tatouée, percée, tatoueur, perceur, peut faire un acte simple pour soutenir cette démarche : si plusieurs milliers de personnes portent plainte à l’encontre de l’Académie de Médecine, nous pourrons mettre en lumière l’aberration de ces propos, et en conséquence, l’aberration du contenu de la réglementation que l’administration a décidé d’imposer aux tatoueurs et aux perceurs (en excluant de cette obligation les bijoutiers « perçant » au pistolet !). Notez bien que votre plainte ne vous engage à aucune procédure par la suite : le SNAT prendra en charge toute procédure et frais éventuels. Votre seule action consiste à adresser une lettre en suivant les indications qui suivent : l’avocat du SNAT prendra le relais !

Si vous estimez être personnellement calomnié par le rapport de l’Académie de médecine, prenez simplement quelques minutes de votre temps pour rédiger une lettre dans laquelle vous ferez état de vos tatouages/piercings (avec éventuellement des photos de ces réalisations corporelles) et, en quelques mots, de vos motivations artistiques ou esthétiques, ou plus généralement de la manière dont vous percevez le tatouage et/ou le piercing. Suite à cette courte présentation personnelle, précisez que vous portez plainte contre l’Académie de Médecine pour les propos tenus dans son rapport du 11 décembre 2007 : « Piercings et tatouages : la fréquence des complications justifie une réglementation », en rappelant les propos que vous estimez diffamatoires et homophobes (voir ci-dessus), et en insistant sur le fait que vous vous sentez calomnié par ces propos (n’hésitez pas à parler de votre situation personnelle, familiale,professionnelle, etc. si vous le souhaitez !).

(!) N’omettez pas de préciser les éléments suivants, sans lesquels votre plainte sera irrecevable :
- votre état civil (nom, prénom, date de naissance)
- votre adresse personnelle (ou professionnelle pour les tatoueurs/perceurs)
Il est important que votre lettre soit manuscrite et adressée en RAR (recommandé avec accusé de réception) à :

Tribunal de Grande Instance de Paris
A l’attention de Monsieur le Procureur de la République
4 Boulevard du Palais
75001 Paris

Veillez à faire une copie de votre lettre avant de l’envoyer. Une fois votre lettre RAR envoyée, attendez le retour de votre accusé de réception, puis adressez par courrier simple à l’avocat du SNAT (M. Benjamin MERCIER – 29 Quai St Michel – 75005 Paris) :

- la copie de votre lettre et des éventuels documents joints
- la preuve de votre envoi en recommandé
- l’accusé de réception lorsque celui-ci vous sera revenu

Si chaque tatoué(s)/percé(e)/tatoueur(se)/perceur(se) porte plainte, ce sont potentiellement des centaines de milliers de lettresqui parviendront sur le bureau du Procureur ! De quoi manifester de manière significative notre opposition à une véritable campagne de désinformation et de stigmatisation de nos pratiques, de nos métiers, et de nos passions ! Et de quoi faire valoir notre opposition à une réglementation inadaptée qui risque de faire revenir de nombreux tatoueurs à la clandestinité, mais également de laisser des bijoutiers continuer à percer dans des conditions inacceptables !

Infos et exemple de lettre : www.s-n-a- t .org

Octave Mirbeau : Citations choisies.



"Puisque le riche - c'est-à-dire le gouvernant - est toujours aveuglément contre le pauvre, je suis, moi, aveuglément aussi, et toujours, avec le pauvre contre le riche, avec l'assommé contre l'assommeur, avec le malade contre la maladie, avec la vie contre la mort."

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"Chose singulière ! Pendant que la science s'acharne à guérir, chez les chiens, des maladies jugées jusqu'ici incurables, telle que la rage, par exemple, le patriotisme, avec un redoublement d'intensité, inocule aux fils des hommes une quantité de virus très bizarres, dont le moindre inconvénient est de détraquer les intelligences et de les ramener aux obscurs entêtements de la brute primitive."

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"Pour être jugé de bon sens, il est nécessaire de ne pas dépasser la moyenne d'une agréable inintelligence bourgeoise, de ne point heurter de front les superstitions et de vivre heureux, soumis, optimiste, complaisant, au milieu de l'universelle sottise et de l'ignorance universelle ; il faut penser ce que tout le monde pense, c'est-à-dire ne penser à rien, écrire ce que tout le monde écrit, c'est-à-dire des banalités et des bêtises ; faire ce que tout le monde fait, c'est-à-dire du mal. A ce compte, vous pouvez tout ambitionner : la décoration, la députation, l'Académie, une statue, et qui sait ? le Panthéon à la fin de vos jours."

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"L'orateur est le plus sûr, le plus énergique véhicule de la sottise humaine. Et plus il est grand, plus il est illustre, plus néfaste aussi et plus rapide s'affirme sa puissance de déformation sur l'esprit de tout un peuple. Le peuple n'a guère le temps de penser par lui-même. Il a bien assez de travailler et de souffrir, afin que les riches et les oisifs soient heureux. Alors, il reçoit de partout, de la Chambre et du syndicat, de l'Eglise et du club, des opinions toutes faites, à la mesure de sa crédulité."

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"La joie de l'homme qui n'est pas un politicien, qui ne sert aucun parti, ni aucune bande, ni aucun fonds secret [...] est d'acquérir, chaque jour, quelque chose de nouveau dans le domaine de la justice et de la beauté ! L'harmonie d'une vie morale, c'est d'aller sans cesse du pire vers le mieux... Devant les découvertes successives, de ce qui lui apparaît comme la vérité, cet homme-là est heureux de répudier, un à un, les mensonges où le retiennent si longtemps prisonnier de lui-même ces terribles chaînes de l'éducation, de la famille, des prêtres ou de l'Etat. C'est plus difficile qu'on ne pense d'effacer ces empreintes, tant elles sont fortement et profondément entrées en vous."

Sartre - La république du silence.



Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande. Nous avions perdu tous nos droits et d’abord celui de parler ; on nous insultait en face chaque jour et il fallait nous taire ; on nous déportait en masse, comme travailleurs, comme Juifs, comme prisonniers politiques ; partout sur les murs, dans les journaux, sur l’écran, nous retrouvions cet immonde visage que nos oppresseurs voulaient nous donner de nous-mêmes : à cause de tout cela nous étions libres. Puisque le venin nazi se glissait jusque dans notre pensée, chaque pensée juste était une conquête ; puisqu’une police toute-puissante cherchait à nous contraindre au silence, chaque parole devenait précieuse comme une déclaration de principe ; puisque nous étions traqués, chacun de nos gestes avait le poids d’un engagement. Les circonstances souvent atroces de notre combat nous mettaient enfin à même de vivre, sans fard et sans voile, cette situation déchirée, insoutenable qu’on appelle la condition humaine. L’exil, la captivité, la mort surtout que l’on masque habilement dans les époques heureuses, nous en faisions les objets perpétuels de nos soucis, nous apprenions que ce ne sont pas des accidents évitables, ni même des menaces constantes mais extérieures : il fallait y voir notre lot, notre destin, la source profonde de notre réalité d’homme ; à chaque seconde nous vivions dans sa plénitude le sens de cette petite phrase banale : « Tous les hommes sont mortels . » Et le choix que chacun faisait de lui-même était authentique puisqu’il se faisait en présence de la mort, puisqu’il aurait toujours pu s’exprimer sous la forme « Plutôt la mort que... ». Et je ne parle pas ici de cette élite que furent les vrais Résistants, mais de tous les Français qui, à toute heure du jour et de la nuit, pendant quatre ans, ont dit non . La cruauté même de l’ennemi nous poussait jusqu’aux extrémités de notre condition en nous contraignant à nous poser ces questions qu’on élude dans la paix : tous ceux d’entre nous - et quel Français ne fut une fois ou l’autre dans ce cas ? - qui connaissaient quelques détails intéressant de la Résistance se demandaient avec angoisse : « Si on me torture, tiendrai-je le coup ? » Ainsi la question même de la liberté était posée et nous étions au bord de la connaissance la plus profonde que l’homme peut avoir de lui-même. Car le secret d’un homme, ce n’est pas son complexe d’Oedipe ou d’infériorité, c’est la limite même de sa liberté, c’est son pouvoir de résistance aux supplices et à la mort. À ceux qui eurent une activité clandestine, les circonstances de leur lutte apportait une expérience nouvelle : ils ne combattaient pas au grand jour, comme des soldats ; traqués dans la solitude, arrêtés dans la solitude, c’est dans le délaissement, dans le dénuement le plus complet qu’ils résistaient aux tortures : seuls et nus devant des bourreaux bien rasés, bien nourris, bien vêtus qui se moquaient de leur chair misérable et à qui une conscience satisfaite, une puissance sociale démesurée donnaient toutes les apparences d’avoir raison. Pourtant, au plus profond de cette solitude, c’étaient les autres, tous les autres, tous les camarades de résistance qu’ils défendaient ; un seul mot suffisait pour provoquer dix, cent arrestations. Cette responsabilité totale dans la solitude totale, n’est-ce pas le dévoilement même de notre liberté ? Ce délaissement, cette solitude, ce risque énorme étaient les mêmes pour tous, pour les chefs et pour les hommes ; pour ceux qui portaient des messages dont ils ignoraient le contenu comme pour ceux qui décidaient de toute la résistance, une sanction unique : l’emprisonnement, la déportation, la mort. Il n ‘est pas d’armée au monde où l’on trouve pareille égalité de risques pour le soldat et le généralissime. Et c’est pourquoi la Résistance fut une démocratie véritable : pour le soldat comme pour le chef, même danger, même responsabilité, même absolue liberté dans la discipline. Ainsi, dans l’ombre et dans le sang, la plus forte des Républiques s’est constituée. Chacun de ses citoyens savait qu’il se devait à tous et qu’il ne pouvait compter que sur lui-même ; chacun d’eux réalisait, dans le délaissement le plus total, son rôle historique. Chacun d’eux, contre les oppresseurs, entreprenait d’être lui-même, irrémédiablement et en se choisissant lui-même dans sa liberté, choisissait la liberté de tous. Cette république sans institutions, sans armée, sans police, il fallait que chaque Français la conquière et l’affirme à chaque instant contre le nazisme. Nous voici à présent au bord d’une autre République : ne peut-on souhaiter qu’elle conserve au grand jour les austères vertus de la République du Silence et de la Nuit.

Situations III, Paris, Gallimard, 1949, 311pages, pages 11-14

Elisée Reclus : Lettre à Jean Grave.



Clarens, Vaud, 26 septembre 1885.

Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n'est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l'exercice du droit de suffrage.

Le délai que vous m'accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j'ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.

Voter, c'est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c'est renoncer à sa propre souveraineté. Qu'il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d'une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu'ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.

Voter, c'est être dupe ; c'est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d'une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l'échenillage des arbres à l'extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l'immensité de la tâche. L'histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c'est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l'honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l'homme change avec lui. Aujourd'hui, le candidat s'incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L'ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu'il était avant d'avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n'apprend-il pas à courber l'échine quand le banquier daigne l'inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l'honneur de l'entretenir dans les antichambres ? L'atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s'ils en sortent corrompus.

N'abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d'autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d'action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c'est manquer de vaillance.

Je vous salue de tout cœur, compagnons .

Élisée Reclus.

Octave Mirbeau : La grève des électeurs.



Une chose m'étonne prodigieusement — j'oserai dire qu'elle me stupéfie — c'est qu'à l'heure scientifique où j'écris, après les innombrables expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique, hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu'un ou de quelque chose. Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n'est-il pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre la raison ?

Où est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l'électeur moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l'anatomie et les mentalités de cet incurable dément ? Nous l'attendons.

Je comprends qu'un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l'Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s 'obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu'un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n'importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu'elle soit, trouve un électeur, c'est-à-dire l'être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n'est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m'étais faites jusqu'ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !

Il est bien entendu que je parle ici de l'électeur averti, convaincu, de l'électeur théoricien, de celui qui s'imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l'électeur « qui la connaît » et qui s'en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu'une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c'est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n'a cure du reste. Il sait ce qu'il fait. Mais les autres ?

Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu'ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d'hommes, et Baudry d'Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu'ils soient, n'ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu'il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l'y oblige, sans qu'on le paye ou sans qu'on le soûle ?

À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d'une volonté, à ce qu'on prétend, et qui s'en va, fier de son droit, assuré qu'il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu'il ait écrit dessus ?... Qu'est-ce qu'il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?

Qu'est-ce qu'il espère ? Car enfin, pour consentir à se donner des maîtres avides qui le grugent et qui l'assomment, il faut qu'il se dise et qu'il espère quelque chose d'extraordinaire que nous ne soupçonnons pas. Il faut que, par de puissantes déviations cérébrales, les idées de député correspondent en lui à des idées de science, de justice, de dévouement, de travail et de probité ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Baihaut, non moins que dans ceux de Rouvier et de Wilson, il découvre une magie spéciale et qu'il voie, au travers d'un mirage, fleurir et s'épanouir dans Vergoin et dans Hubbard, des promesses de bonheur futur et de soulagement immédiat. Et c'est cela qui est véritablement effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comédies les plus burlesques, ni les plus sinistres tragédies.

Voilà pourtant de longs siècles que le monde dure, que les sociétés se déroulent et se succèdent, pareilles les unes aux autres, qu'un fait unique domine toutes les histoires : la protection aux grands, l'écrasement aux petits. Il ne peut arriver à comprendre qu'il n'a qu'une raison d'être historique, c'est de payer pour un tas de choses dont il ne jouira jamais, et de mourir pour des combinaisons politiques qui ne le regardent point.

Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puisqu'il est obligé de se dépouiller de l'un, et de donner l'autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bourreaux, il a des préférences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il votera demain, il votera toujours. Les moutons vont à l'abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n'espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l'électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit.

Ô bon électeur, inexprimable imbécile, pauvre hère, si, au lieu de te laisser prendre aux rengaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les journaux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chimériques flatteries dont on caresse ta vanité, dont on entoure ta lamentable souveraineté en guenilles, si, au lieu de t'arrêter, éternel badaud, devant les lourdes duperies des programmes ; si tu lisais parfois, au coin du feu, Schopenhauer et Max Nordau, deux philosophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être apprendrais-tu des choses étonnantes et utiles. Peut-être aussi, après les avoir lus, serais-tu moins empressé à revêtir ton air grave et ta belle redingote, à courir ensuite vers les urnes homicides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d'avance le nom de ton plus mortel ennemi. Ils te diraient, en connaisseurs d'humanité, que la politique est un abominable mensonge, que tout y est à l'envers du bon sens, de la justice et du droit, et que tu n'as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des destinées humaines.

Rêve après cela, si tu veux, des paradis de lumières et de parfums, des fraternités impossibles, des bonheurs irréels. C'est bon de rêver, et cela calme la souffrance. Mais ne mêle jamais l'homme à ton rêve, car là où est l'homme, là est la douleur, la haine et le meurtre. Surtout, souviens-toi que l'homme qui sollicite tes suffrages est, de ce fait, un malhonnête homme, parce qu'en échange de la situation et de la fortune où tu le pousses, il te promet un tas de choses merveilleuses qu'il ne te donnera pas et qu'il n'est pas d'ailleurs, en son pouvoir de te donner. L'homme que tu élèves ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens. Pour te réconforter et ranimer des espérances qui seraient vite déçues, ne va pas t'imaginer que le spectacle navrant auquel tu assistes aujourd'hui est particulier à une époque ou à un régime, et que cela passera. Toutes les époques se valent, et aussi tous les régimes, c'est-à-dire qu'ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bonhomme, et fais la grève du suffrage universel. Tu n'as rien à y perdre, je t'en réponds ; et cela pourra t'amuser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fermée aux quémandeurs d'aumônes politiques, tu regarderas défiler la bagarre, en fumant silencieusement ta pipe.

Et s'il existe, en un endroit ignoré, un honnête homme capable de te gouverner et de t'aimer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa dignité pour se mêler à la lutte fangeuse des partis, trop fier pour tenir de toi un mandat que tu n'accordes jamais qu'à l'audace cynique, à l'insulte et au mensonge.

Je te l'ai dit, bonhomme, rentre chez toi et fais la grève.

Voltaire était-il philosophe ?


J'ai lu récemment, en ouverture d'un article sur Marx, que Voltaire désira ardemment d'être philosophe et le fut à peine, alors que Marx, ne le souhaitant pas, le fut pleinement. Il est vrai que l'on peut s'interroger sur le statut philosophique de Voltaire : au sens du XVIIIème siècle, il était bien un "philosophe", c'est-à-dire un intellectuel des lumières ; mais dans le sens contemporain du mot, la question mérite d'être posée. Il est significatif de relever qu'aucun texte de cet auteur ne figure dans les manuels de philosophie actuels (du moins, dans ceux que j'ai compulsés), mais est-ce à dire que sa philosophie ne vaut absolument rien, voire qu'il n'existe aucune philosophie voltairienne au sens positif du terme ? En fait, Voltaire semble avoir avant tout été un polémiste, qui entendait lutter contre les systèmes vains, les opinions fausses, et condamnait toute attitude fondée sur un acte de foi, ou sur des démarches purement abstraite de la pensée. Pourtant, contrairement à ce que l'on entend souvent et que l'on serait volontiers tenté de croire, il ne s'est pas contenté de détruire : il possédait des convictions positives et recherchait rien moins que la vérité, la sagesse et le bonheur. Oui oui, tout ça !




I) La Critique Voltairienne.

A) Le procès des institutions politiques et sociales.

Voltaire attaque notamment le gouvernement de son pays. Le despotisme de la monarchie absolue est vain dans son principe, car il est fondé, non sur les lois de la raison, mais sur le caprice du souverain. Il est funeste dans ses conséquences, car il entraine l'esclavage, la persécution, l'hypocrisie et la bassesse des sujets, la vénalité des ministres, des fonctionnaires, des juges ; Voltaire lutte en particulier contre les privilèges fiscaux, les lettres de cachet, le servage, la gabelle, et surtout contre les cruautés de la guerre et de la torture : "N'est-il pas bien permis, que dis-je ! bien nécessaire d'avertir souvent les hommes qu'ils doivent ménager le sang des hommes ? Je voudrais que le récit de toutes les injustices retentît sans cesse à toutes les oreilles !"

B) La condamnation du fanatisme religieux.

Voltaire est hostile aux discussions théologiques et combat les religions établies. Selon lui, la théologie est vaine : il en dénonce les méthodes en recourant à l'histoire, à l'exégèse, à la philologie ; il assimile les dogmes aux fables mythologiques ; il voit seulement dans l'Ancien Testament la chronique très suspecte du peuple juif, dans les évangiles des récits controuvés. Selon lui encore, les religions établies sont néfastes : elles font naître le désordre dans les Etats ; elles entrainent des Schismes et des querelles ; elles entretiennent l'ignorance et le fanatisme. "Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères ; qu'ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes", écrit-il dans la célèbre prière à Dieu du Traité sur la Tolérance.

C) Refus du dogmatisme métaphysique.

Voltaire refuse à l'homme le pouvoir de résoudre les grands problèmes qui dépassent son entendement. La métaphysique est inutile : l'esprit humain a des bornes, et ne saurait pénétrer la nature des choses ; Dieu, l'âme, la matière, posent autant d'énigme, auxquelles les philosophes répondent par un chaos contradictoire d'obscurités : "Pourquoi sommes-nous ? Pourquoi y a-t-il des êtres ? Qu'est-ce que le sentiment ? Comment l'ai-je reçu ?... Je l'ignore profondément, et je l'ignorerai toujours." Peu importe d'ailleurs : quel besoin a-t-on de métaphysique pour la conduite ordinaire de la vie ? En outre, la métaphysique est néfaste : elle engendre des systèmes opposés qui divisent les hommes, ou des théories nuisibles comme l'optimisme leibnizien, aveuglément soumis à la Providence (mais, sur ce point, force est de constater que Voltaire n'a pas plus compris la pensée de Leibniz qu'il ne comprendra celle de Rousseau) ; elle entrave l'action humaine, alors qu'il faut batailler sans relâche pour rendre l'homme moins malheureux.


II) L'idéal voltairien.

Dans l' "universel abattis" que prescrit le philosophe, certains principes demeurent fermes et constituent la base d'un nouvel édifice : il faut vivre dans un état bien policé, pratiquer la religion naturelle et se conformer à la morale.

A) L'idéal politique.

Voltaire condamne l'arbitraire, non le monarque ; mais le monarque doit conformer sa conduite aux exigences de la raison. Un prince conseillé par les philosophes, philosophe lui-même, rendra son peuple heureux, en concédant de plein gré les libertés indispensables ; ses sujets, eux-mêmes formés à l'esprit philosophique, accepteront de bon coeur sa tutelle, et le bonheur public régnera sous la loi du " despotisme éclairé ".

B) L'idéal religieux.

Voltaire condamne les religions établies, non la foi raisonnée en un principe divin. Selon lui, la raison prouve l'existence d'un Dieu, seule explication possible du monde, "être nécessaire, éternel, suprême, intelligent". Ce Dieu architecte et ouvrier régit le monde selon des lois immuables ; il veille à l'ordre universel et peut se révéler à l'occasion comme un Dieu justicier, rémunérateur et vengeur. Quant à la religion, elle est nécessaire au peuple ; mais elle doit proscrire les dogmes, les cérémonies, et se définir, non comme un système théologique, mais comme une institution d'Etat.

C) L'idéal moral.

Voltaire condamne les théories métaphysiques, non l'humble et honnête réflexion sur les grands problèmes. Il dispute sur la nature de l'âme, sur l'existence du mal, sur la destinée de l'homme, mais en conservant toujours beaucoup de prudence dans ses affirmation. Il s'attache à concilier le déterminisme universel avec la liberté humaine (de même que Nietzsche tentera de concilier liberté humaine et déterminisme de la Volonté de puissance). Il ne pousse jamais son pessimisme jusqu'au désespoir stérile. Il est avant tout soucieux d'action utile et il enseigne une sagesse pratique. L'homme doit construire son propre bonheur et aider son prochain à être heureux : la plus belle vertu est la bienfaisance, la grande loi de l'espèce est le travail - ce en quoi nous voyons que Voltaire est encore très chrétien, quoi qu'il en dise.


Pour conclure, nous pouvons noter que l'oeuvre philosophique de Voltaire a souvent été surfaite ou calomniée par les esprits de parti. Il doit être possible, aujourd'hui, de juger ses idées sans passion et de les apprécier à leur valeur : la philosophie de Voltaire, à bien des égards, semble insuffisante. Ardent à la négation, Voltaire n'a pas toujours remplacé ce qu'il détruisait : il a combattu la monarchie absolue, mais il put s'apercevoir par sa propre expérience en Prusse que le despotisme éclairé est une utopie ; il a combattu le christianisme, mais il lui a opposé un déisme vague, abstrait, incapable d'exalter ou même de consoler ; il a combattu les grandes hypothèses sur l'au-delà, mais les hommes qui éprouvent l'angoisse du destin n'en seront jamais libérés par des raisonnements.

Cependant, la sagesse pratique de Voltaire demeure. Son oeuvre contient un art de vivre et un programme d'action. Elle témoigne d'un amour profond pour les hommes et d'une foi robuste dans le progrès de la civilisation.

On regrettera simplement que Voltaire n'ait pas été le premier à mettre cette sagesse en oeuvre : la lecture de sa correspondance révèle un Voltaire assez éloigné de ce que son oeuvre littéraire et philosophique laisserait attendre : Il s'y révèle frivole, recherchant avec avidité le luxe et les plaisirs. Il s'y révèle âpre au gain, sinon avare : de nombreuses lettres de jeunesse témoignent qu'il fut hanté par la préoccupation de s'enrichir - ce qu'il réussira, par la traite des noirs notamment... Il s'y révèle ambitieux : il s'humilie souvent avec excès pour gagner la protection des grands, et ses flatteries appuyées à Frederic de Prusse, au début de leur correspondance, sont parfois gênantes. Enfin, il s'y révèle vaniteux, et étale, non sans naïveté, sa noblesse récente, sa richesse, son influence, ses mérites d'auteur ; il supporte impatiemment les critiques et admet difficilement que d'autres écrivains puissent prétendre à la gloire littéraire - ce qui explique, en partie, la violence ironique de ses charges contre des Marivaux, Rousseau, etc.

Alors, Voltaire, auteur d'une oeuvre philosophique ? sans doute, bien que son système soit fragile ; philosophe dans les actes ? Malgré ses grands combats, rien n'est moins sûr...

L'Homme unidimensionnel de Marcuse.


Herbert Marcuse est né en 1898 et mort en 1979. Philosophe américain d'origine allemande, nourri de Freud et de Marx, il est considéré comme le théoricien de la "contestation". Ces oeuvres principales sont : Eros et Civilisation (1955), L'Homme unidimensionnel (1964).

Marcuse reprend le thème marxiste de l'aliénation et soutient que la civilisation technologique contemporaine réduit l'homme à s'identifier avec le système social, détruisant ainsi sa "dimension intérieure". Pour l'illustrer, je vous propose de lire le passage suivant :

" L'individu est entièrement pris par la production et la distribution de masse et la psychologie industrielle a depuis longtemps débordé l'usine. Les divers processus d'introjection(1) se sont cristallisés dans des réactions presque mécaniques. Par conséquent, il n'y a pas une adaptation mais une mimésis, une identification immédiate de l'individu avec sa société et, à travers elle, avec la société en tant qu'ensemble.

Cette identification immédiate, automatique, qui a caractérisé les formes primitives d'association, réapparait dans la civilisation industrielle avancée. Mais une organisation et une gestion élaborées et scientifiques ont créé cette "immédiateté" nouvelle. Dans ce processus la dimension "intérieure" de l'esprit qui pourrait provoquer une opposition au statu quo s'est restreinte. La perte de cette dimension où la pensée négative trouvait sa force - la force critique de la Raison - est la contrepartie idéologique du processus matériel au moyen duquel la société industrielle fait taire et réconcilie les oppositions. Le progrès technique fait que la Raison se soumet aux réalités de la vie et qu'elle devient de plus en plus capable de renouveler dynamiquement les éléments de cette sorte de vie. L'efficacité du système empêche les individus de reconnaitre qu'il ne contient que des éléments qui transmettent le pouvoir répressif de l'ensemble. Si les individus se retrouvent dans les objets qui modèlent leur vie, ce n'est pas parce qu'ils font la loi des choses, mais parce qu'ils l'acceptent - non comme une loi physique mais en tant que loi de leur société.

Je viens de suggérer que le concept d'aliénation devient problématique quand les individus s'identifient avec l'existence qui leur est imposée et qu'ils y trouvent réalisation et satisfaction. Cette identification n'est pas une illusion mais une réalité. Pourtant, cette réalité n'est elle-même qu'un stade plus avancé de l'aliénation ; elle est devenue tout à fait objective ; le sujet aliéné est absorbé par son existence aliénée. Il n'y a plus qu'une dimension, elle est partout et sous toutes les formes. Les réalisations du progrès défient leur mise en cause idéologique aussi bien que leur justification ; devant son tribunal, la " fausse conscience " de leur rationalité est devenue la vraie conscience.

Que la réalité ait absorbé l'idéologie ne signifie pas cependant qu'il n'y a plus d'idéologie. Dans un sens, au contraire, la culture industrielle avancée est plus idéologique que celle qui l'a précédée parce que l'idéologie se situe aujourd'hui dans le processus de production lui-même. Cette proposition révèle, sous une forme provocante, les aspects politiques de la rationalité technologique actuelle. L'appareil productif, les biens et les services qu'il produit, "vendent" ou imposent le système social en tant qu'ensemble. Les moyens de transport, les communications de masse, les facilités de logement, de nourriture et d'habillement, une production de plus en plus envahissante de l'industrie des loisirs et de l'information, impliquent des attitudes et des habitudes imposées et certaines réactions intellectuelles et émotionnelles qui lient les consommateurs aux producteurs, de façon plus ou moins agréable, et à travers eux à l'ensemble. Les produits endoctrinent et conditionnent ; il façonnent une fausse conscience insensible à ce qu'elle a de faux. Et quand ces produits avantageux deviennent accessible à un plus grand nombre d'individus dans des classes sociales plus nombreuses, les valeurs de la publicité créent une manière de vivre. C'est une manière de vivre meilleure qu'avant et, en tant que telle, elle se défend contre tout changement qualitatif. Ainsi prennent forme la pensée et les comportements unidimensionnels. Dans cette forme, les idées, les aspirations, les objectifs qui, par leur contenu, transcendent l'univers établi du discours et de l'action, sont soit rejetés, soit réduits à être des termes de cet univers. La rationalité du système et son extension quantitative donnent donc une définition nouvelle à ces idées, à ces aspirations, à ces objectifs. "


Herbert Marcuse, L'homme unidimensionnel, Ed. de Minuit.


1. Introjection : subs. fem. PSYCHANAL. ,,Processus inconscient par lequel l'image, le modèle d'une personne, est incorporé, identifié au moi ou au sur-moi