Le mot de la semaine

« Regardez-y de près, et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens ; qu'il n'y a point, et qu'il ne peut y avoir d'êtres libres ; nous ne sommes que ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation, à l'éducation et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement [...]. Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. »

Diderot
, Lettre à Landois, 29 juin 1756
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[Histoire] Les grandes découvertes et la première mondialisation.


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Préambule : Je mets en ligne ces quelques notes, issues d'un cours de deuxième année de licence Lettres et Sciences Humaines. Il porte sur les "grandes périodes de l'Histoire ". Le programme du semestre concernait plus précisément la période "moderne", c'est-à-dire, en terme d'Histoire occidentale, toute la période allant de la fin du moyen-âge (Mi-XVe siècle) à l'époque des révolutions atlantiques (fin XVIIIe siècle).

Je crois intéressant de faire partager certains cours, qui m'ont véritablement passionnés ; je le ferai donc certainement encore par la suite. De toute façon, je ne peux pas dire que cela me coûte énormément : au contraire, en me replongeant dans mes notes, cela ne fait, au pire, que m'aider à garder toutes ces informations en mémoire.

En espérant que cela puisse vous intéresser, et en vous souhaitant une bonne lecture,

Antisthène Ocyrhoé.


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Avec les grandes découvertes, on assiste au début du décloisonnement du monde. Cette période de grandes découvertes commence avec les voyages d’explorations d’aventuriers qui sont mandatés, aux XVe & XVIe siècles, par deux royaumes : l’Espagne et le Portugal.

En 1459, le monde connu des Européens est très mince : l’Asie est mal connue, idem pour l’Afrique (plus on s’éloigne de l’Europe, plus les approximations sont importantes). Les autres continents ne sont pas du tout connus. À cette époque, le monde connu se limite à trois continents. On se rend compte que les connaissances géographiques n’ont pas beaucoup évolué depuis l’antiquité, et que les cartes de l’époque ressemblent beaucoup à la carte du monde établie par Ptolémée, un géographe du deuxième siècle av. J.C. Le monde est alors centré sur une vieille capitale religieuse : Jérusalem.

Découvrir suppose innover : à la fin du moyen-âge, les techniques de navigation en haute mer vont énormément progresser. Depuis l’antiquité, l’immensité de l’Océan faisait peur, on pensait qu’au-delà se trouvaient les limites du monde. Cela va se débloquer à la fin du Moyen-Âge : on apprend à naviguer : on apprend à utiliser les boussoles, la navigation astronomique, etc. La navigation va bénéficier des connaissances pratiques concernant les vents et les courants. Bref, à partir du XVe siècle, on est à peu près capable de se repérer dans l’Océan. De même, les navires vont être rendus plus apte à la haute-mer : il va apparaître deux types de bateaux qui permettent la navigation en haute-mer ; ce sont les nefs et les caravelles. Ils sont propulsés par des voiles carrées (issu des techniques de navigation du Nord) et des voiles triangulaires, dites « latines ». La peur de l’inconnu recule, les aventuriers de l’époque deviennent plus intrépides.



Les Portugais sont les premiers à se lancer à l’assaut de l’Atlantique : ils sont intéressés par l’Afrique et décident d’en explorer les côtes. Ils ont plusieurs motivations : espionner l’ennemi musulman (on est encore dans une logique de croisade), et chercher de l’or, des épices et surtout des esclaves (appétit de richesses). L’exploration commence en 1419 et va se prolonger tout au long du siècle : C’est seulement en 1488 que l’on atteint le cap de Bonne-Espérance, qui marque l’extrême-sud de l’Afrique. On passe alors dans l’Océan Indien : le Portugal ouvre la route des Indes.

1497/1498 : Vasco de Gama atteint l’Inde. Il est le premier à traverser l’Océan Indien pour les Portugais, et à mettre le pied dans les ports indiens. Les Portugais peuvent désormais accéder au marché indien sans intermédiaire.


Dans le même temps, l’horizon Atlantique s’ouvre à l’Ouest : Christophe Colomb va se mettre au service du roi d’Espagne. Son but : trouver une route plus courte pour se rendre aux Indes, sans longer l’Afrique. Il part vers l’Ouest. Après 36 jours de voyage, à la fin de 1492, il arrive aux Bahamas. Il pense se trouver en Extrême-Orient, ce pourquoi les habitants seront, par méprise, appelés « Indiens ». D’autres voyages lui font découvrir l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud (côte Amazonienne).

En 1500, un Portugais découvre accidentellement ce qui deviendra le Brésil.

Jusqu’à sa mort, Colomb reste persuadé que les terres qu’il a découvertes sont des obstacles. Il n’en a pas compris l’avantage.



Entre 1519 et 1521, Magellan, qui travaille pour l’Espagne, réalise le premier tour du monde : il entre dans l’Océan Pacifique. (Il meurt pendant le voyage).

Il faut donc un siècle pour reconnaître l’étendue de la planète et la configuration des continents.

À l’issue de ces grandes découvertes, l’Espagne et le Portugal se partagent le monde : le premier partage à lieu en 1494 : à l’Ouest, les territoires sont sous l’influence des Espagnols, et l’Est (c’est-à-dire l’Océan Indien essentiellement) est la sphère d’influence des Portugais.

Un deuxième partage a lieu en 1529 : l’Afrique et l’Océan Indien sont réservés aux Portugais, et le reste (dont le Pacifique) aux Espagnols. Les autres pays, comme l’Angleterre, la France ou les Pays-Bas sont exclus de ce partage. Une fois l’exploration terminée, une fois le partage fait, on entre dans une phase de conquête : c’est surtout le cas de l’Espagne en Amérique. C’est l’époque des Conquistadors.

Ces conquérants vont mettre fin aux grandes civilisations de l’Amérique pré-colombienne. Deux grands empires en particulier vont disparaître : - L’Empire Aztèque, qui se situait au Mexique, va s’effondrer en 1521 (année de la prise de la capitale, Mexico). - L’Empire Inca, qui était situé au Pérou actuel, disparaît en 1532.

On peut se demander comment une centaine d’hommes parviennent à mettre à terre des empires vastes et organisés : D’une part, les conquistadores bénéficient d’avantages technologiques certains, notamment les armes à feu (arquebuses), les canons, les cuirasses d’acier (les flèches des indiens ne les percent pas), l’usage du cheval (jusqu’alors inconnu de ces populations). Mais ce qui va jouer en leur faveur, c’est surtout le choc microbien : les deux mondes n’avaient jamais été en contact : les maladies des Européens étaient totalement inconnues sur le sol américain. Les maladies apportées par les Espagnols vont décimer les populations indiennes. On peut ajouter à tout cela le choc psychologique provoqué par l’invasion. Tout cela explique que les empires pré-colombiens aient été abatus en quelques mois seulement par une poignée d’hommes.



En Asie, les populations ont beaucoup mieux résisté et l’on assiste à aucun écroulement de civilisation.

Pendant cette période, les autres nations européennes sont tenues à l’écart, l’heure de la France et de l’Angleterre viendra plus tard. Les Français explorent timidement le Canada en 1534 (Jacques Cartier), mais vont mettre beaucoup de temps à s’y installer.

On s’interroge sur la mise en valeur de ces territoires nouveaux. Au Mexique et au Pérou, il y a beaucoup de richesses, notamment des mines d’or et d’argent, qui vont être allègrement exploitées par les Espagnols, qui achemineront le tout jusqu’à Séville. À cette époque, l’Europe manque de métal précieux : l’exploitation du continent Américain marque la fin de cette pénurie et dynamise progressivement l’économie européenne. En contrepartie, on assiste à un phénomène d’inflation.

La mise en valeur des empires coloniaux va aussi prendre la forme de travaux agricoles réalisés en Amérique. On plante des cannes à sucre dans les Antilles et au Brésil. On utilise les Indiens comme main d’œuvre, mais comme ils meurent en grand nombre à cause du choc microbien, on va rapidement aller chercher des esclaves en Afrique. Ainsi l’Afrique devient un marché d’esclaves pour les colonies d’Amérique.

De nouveaux chemins commerciaux s’ouvrent et se développent. L’Atlantique prend progressivement une place de plus en plus importante, au détriment de la Méditerranée. Ce qui contribue à développer les villes de l’Atlantique, comme Lisbonne, Séville puis Anvers, Londres, Amsterdam. Cette importance que prend l’Europe Atlantique au XVIe durera jusqu’au début du XXe siècle.

On importe des produits nouveaux, comme le cacao, le tabac, les épices, la porcelaine de Chine, etc. Les ports européens vont exporter nos produits (livres, textiles, etc.) vers les « nouveaux mondes ».

Les ports européens se développent aussi grâce à la traite des noirs.


L’ouverture économique vers le monde est un processus très lent : au début du XVIe siècle, l’importance de ce genre de commerce n’est pas encore très marquée, mais le processus est en marche.

Cette situation nouvelle stimule le capitalisme commercial : les sociétés de commerce, qui existent depuis le Moyen-Âge, vont connaître un grand essor. On peut citer l’exemple de Jacob Fugger, qui a développé un réseau commercial immense en créant des succursales dans toutes les grandes villes européennes. Ce développement de l’importance des entreprises implique de mieux s’organiser : parallèlement se développe la comptabilité, de nouvelles techniques commerciales, etc.

Afin d’assouplir le système, on va développer les lettres de change. Ça évite notamment de se balader avec 50 kg de monnaie sonnante et trébuchante : cela facilite le commerce et les échanges monétaires.

On assiste également à la création des premières bourses, qui sont des endroits réservés aux marchands, où l’on traite des affaires. C’est un grand point de rencontre pour les commerçants. Ces bourses sont aussi bien des bourses commerciales que financières.

On voit donc que le commerce s’adapte à la nouvelle configuration du monde. Cela implique aussi un changement important des mentalités : Au XVIe siècle, les marchands prennent beaucoup d’importance. Ils deviennent à leur siècle ce que les chevaliers furent au Moyen-Âge.

Les héros du XVIe sont : les princes qui ont financé les grandes explorations, les militaires qui prennent possession du nouveau monde, les commerçants, les financiers ainsi que les religieux qui vont évangéliser le monde.

La vision du monde des Européens change, ils vont pouvoir diffuser leurs connaissances dans le monde : les livres circulent et les langues anciennes et modernes (Portugais, Espagnols) vont se diffuser dans le monde entier. La littérature européenne se diffuse. Du point de vue religieux, les missionnaires vont imposer la religion européenne.

Mais, même si l’échange est très inégal, il n’est pas tout à fait à sens unique : le nouveau monde permet aux Européens d’élargir leurs connaissances dans la botanique, en zoologie, etc. De même, des collectionneurs vont faire importer de vieux manuscrits Mexicains. Mais ce retour à des limites : Les pensées étrangères n’ont quasiment aucun impact sur la philosophie européenne, notamment à cause des interdits religieux qui censurent les pensées indigènes.

En 1600, des fonctionnaires de l’Empire Chinois recopient des livres européens : les échanges culturels sont un peu à sens unique.

Conclusion : Les grandes découvertes et la première mondialisation Ibérique donne une avance à l’Europe dans l’exploitation des nouveaux mondes. Cela va avoir des répercutions lentes sur la culture européenne et sur notre vision du monde.

Les conquistadors, les marchands, les colons, etc. tous ceux qui sont témoins à distance, comme les humanistes : c’est un véritable mouvement de renouveau depuis le XVe siècle : le décloisonnement du monde est un élément fondamental de la Renaissance.



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Images :

- Vasco de Gama
- Christophe Colomb débarquant à Hispaniola
- Hernan Cortès, le conquistador qui a colonisé le Mexique.
- Jacob Fugger dans un de ces bureaux
- Stradanus, l'état des découvertes à la fin du XVIe siècle.


3 trait(s) d'esprit:

Anonyme a dit…

Merci :) .

Anonyme a dit…

Merci.

Redha a dit…

Merci pour le partage.